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MESSES NOIRES

tendit les bras comme pour la bénir et s’offrit, vivant, à sa ferveur… Un râle unique sortit de toutes les poitrines, souleva toutes les têtes.

Mystérieusement, les feux s’étaient éloignés et, formant autour d’Adonis une couronne de lumière, de tous les points du parc, des ombres commencèrent à se mouvoir, à marcher vers les ruines. Les rares élus qui assistaient à la scène tremblaient avec les autres d’admiration et de désir. La blonde lady Cragson, malheureuse en ménage, dardait sur Lyllian des regards éperdus. Jean d’Alsace se rongeait les ongles et rossait : « La viande de ces dames est avancée ». La princesse Krapouchkine, vicieuse comme une almée malgré sa tête de grenouille obèse, lorgnait sans un mot, détaillant avec la tranquillité des connaisseurs l’admirable plastique du jeune Anglais.

Et comme Harold Skilde faisait valoir le décor, l’instant inoubliable, lady Cragson se pencha vers lui. — « Est-ce que nous ne pouvons pas le voir de tout près ? »

Après un rire affirmatif de Skilde, lady Cragson s’élançait, longeant le sentier qui montait vers le temple. Les vierges, les éphèbes, les satyres et les nymphes entouraient maintenant la colonnade écroulée et jetaient des parfums et des fleurs. La tiède nuit de Grèce flottait sur tout cela et la brise marine apportait des lointaines Cyclades des aromes enivrants et doux. La musique des pipeaux auxquels répondaient les lyres jouait encore, en sourdine. Et Lyllian plus immobile, plus hiératique que jamais regardait avec des yeux énigmatiques le ciel comme un amant.

Soudain une forme noire apparut, rompant la ligne