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LORD LYLLIAN

et les plus doux seront évoqués d’un geste. Lady Cragson vous admirera et peut-être faillirez-vous… Elle vous verra aussi nu que dans son lit, aussi ardent que sur ses lèvres. Moi, en dilettante, je muserai ; accepté… ?

— Accepté, oui et non… hasardait Lyllian d’une voix lassée. Où ça aura-t-il lieu ? Quand ? Il faut le clair de lune. Et puis les gens se mêlent de tout. S’ils allaient créer un scandale ? Et les témoins et le reste ?…

Mais Harold Skilde décidait Renold. La scène se passerait, sur la côte, dans un des plus beaux jardins avoisinant le Pirée. Le décor aurait pour fond les colonnes écroulées d’un ancien temple à Zeus, pour plafond le ciel immense tout constellé d’étoiles et, sauf les rares élus qui assisteraient au triomphe, ils n’auraient pour témoins que les vagues. D’ailleurs… en Grèce, la maison mère !… Ensuite, songez donc, les costumes, les répétitions, la mise au point des danses et des mimes… Et puis Jean d’Alsace et lady Cragson !

 

Les choses ayant été ainsi organisées, pendant deux semaines il y eut un redoublement d’activité, de fièvre et de répétitions. Et le soir prévu arriva :

 

La lune se levait dans une apothéose, inondant de lueurs mystiques, comme de reflets tremblants d’opale, la mer qui léchait le bas des rochers, les jardins bleus et les maisons blanches qui tranchaient sur le velours lointain des horizons.

Le décor était bien celui que Skilde avait prédit, étrange par cette nuit claire, avec son abondance de fleurs et d’étoiles, charmant par la douceur d’un ciel oriental avec ses brises chargées de parfum. Les ruines