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LORD LYLLIAN

tre soir de certaines fois où tout seul, et triste de l’être, vous embrassiez votre ombre qui tremblait dans les glaces : Soyez Narcisse…

— Je veux bien ; mais je serai très maladroit, je vous en préviens… À quelle date la sérénade ? ajouta Renold avec un sourire. — Pour le jour de l’an ? Mais oui… C’est convenu…

— Quant aux autres rôles, je vais les distribuer aux environs. Tenez… Lady Cragson sera ravie de brûler les planches avec vous, et puis qui encore… ?

— Edith Playfair est trop loin ! soupira le petit Lord.

— Edith quoi ?

— Rien, une ancienne petite amie… à moi. À propos, continua-t-il, comme Harold Skilde prenait congé, de qui est-elle, la pièce ?

— De moi, dit simplement l’écrivain en regardant Lyllian qui lui tendait la main.

— Comment, de vous ? Pourquoi ne me le disiez-vous ? C’est très bien, Skilde, elle est merveilleuse, votre pièce. Oh, quel bonheur, quelle surprise aussi !

— Oui, je l’ai composée et finie en une semaine. Vaille que vaille, excusez-moi.

— Mais qui a pu vous inspirer tant ?… Vous travaillez comme un Dieu !

— Comme quelqu’un qui vous aime… murmura Skilde, ne songeant plus qu’à lui-même, oubliant tout ; Et, ce disant, il saisit le jeune homme avec une douceur et avec une force inimaginables, puis, avant que Renold ait pu l’en empêcher, il se pencha sur lui, en embrassant son cou flexible et tiède qui sentait bon le lait.