Page:Adelswärd-Fersen - Messes noires ; Lord Lyllian, 1905.djvu/46

Cette page a été validée par deux contributeurs.
34
LORD LYLLIAN

fane, le besoin de possession vite lassé, ni même le luxe élégant de corrompre. Cet enfant, cet orphelin, malgré sa fortune, à cause de son nom, deviendrait le jeune compagnon d’apothéose et de gloire… à qui il apprendrait peu à peu à lire dans les cœurs ainsi qu’on lit dans les astres !

Éducateur, lui, Skilde ? Hé parbleu. Dans ce sens là ? Oui. Plaise aux mufles et aux imbéciles de lui en faire un crime… Il s’en parerait comme d’une vanité.

Ainsi en vinrent-ils aux confidences, quand le dialogue reprit. Renold laissa entrevoir sa solitude, son abandon plus cruel avec le luxe qui l’entourait, son ennui… son ennui d’être jeune et de ne pas encore vivre.

— Mais c’est le spleen ! mais il faut guérir ça, Monseigneur, par des caresses, plaisanta Skilde. Amusez-vous ! À quoi, au juste ? Ah, tenez, amusez-vous à jouer la comédie. C’est, croyez-moi, la meilleure façon de se préparer à aller dans le monde.

— Jouer la comédie ? Comme les vrais acteurs, sur de vrais théâtres ?

Et Lyllian qui, jusqu’à présent, avait assisté en tout a deux féeries, ouvrit des yeux surpris et rieurs.

— Du reste, vous avez beaucoup de dispositions. Vous êtes (pardon, vous avez l’air) coquet comme un marié, pervers comme un démon et joli comme un ange… Excusez-moi, je ne savais point…

Renold, en effet, l’avait arrêté d’un geste.

— Soit, j’accepte vos conseils, pour quand la comédie ? reprenait-il vite.

Et l’on décida incontinent d’en informer le duc de Cardiff, de lever le ban et l’arrière-ban du voisinage, de