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III

Quinze ans, comme c’est joli, comme c’est frais, comme cela chante ! On espère l’amour sans savoir ce que c’est, simplement parce qu’on l’a lu dans un livre, parce qu’on l’a rêvé dans son cœur. La puberté s’éveille, frisson charmant, pareil à un printemps de fleurs, fleurs écloses dans les yeux plus humides et plus languissants, dans les gestes plus souples et plus caresseurs, dans la voix dont les accents disent le désir, la prière, le besoin de possession.

Ainsi lord Lyllian grandissait dans le vieux manoir de Lyllian Castle, en Écosse, par les soirs d’automne, où le lac frileux brillait dans les brumes. Jusque-là, ainsi qu’il est conté dans la légende de Narcisse, il avait vécu en grâce et en beauté sans jamais se mirer dans l’eau des fontaines ; mais depuis le jour où les lettres de sa mère avaient tout révélé, d’étranges visions hantaient son sommeil.

Ce n’était plus le souffle égal, les menottes closes de