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LORD LYLLIAN

de plaisir. Non pas le sentiment de pouvoir jouir un jour de la gloire acquise, en fossile, comme d’un emblème pétrifié : Sa jeune âme, au contraire, était remplie d’espoir et d’enthousiasme ; non ; mais il entrevoyait l’avenir ainsi qu’un champ vierge où lui aussi accumulerait de nouvelles victoires, ajouterait encore de l’honneur à l’honneur !

C’était sa seule pensée. Il deviendrait illustre par lui-même, et non par ses aïeux, car la tradition, dans une famille, n’est qu’une raison de plus pour progresser toujours. En attendant il jouait aux soldats de plomb. Malgré ses douze années, Renold Monrose aspirait à vivre !

Sa jeunesse l’impatientait. Il mêlait des puérilités à ses plus mâles désirs. Il aurait des palais, des joyaux, des statues, des tableaux, des bijoux, des armées. Sa Majesté serait fort aise de le recevoir. Et il conduirait l’Angleterre à la conquête du monde !

Dans ces moments-là, bien qu’il ne soit qu’un enfant, il n’aurait pas fait bon, pour la domesticité, de paraître lui manquer : Il avait ainsi cravaché sans scrupule un majordome impertinent.

De cette façon Renold Monrose avait atteint la puberté, beau d’une beauté étrange et perverse, de cette beauté maternelle dont il ne se doutait point, sans désir, si ce n’est l’orgueil, sans tendresse, sans passion, sans amour, au milieu de ses rêves.

Vers juillet de cette année-là, son père mourut subitement.

Joë, le vieil intendant de la famille, vint cérémonieusement un matin, clopin-clopant dans ses souliers à boucles, comme un valet de comédie, l’air plus vieux et