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MESSES NOIRES

— Les voilà !

Bugre, ils ne bougent plus… Ils sont morts ! s’exclama un larbin… quelle sale affaire !…

— Qui qu’c’est l’autre ? Il tient encore son révolver, hasarda une femme.

— On sait pas… un ancien du Lord.

— Je vous crois, opinait le concierge. C’est l’gosse qu’est venu plusieurs fois demander à voir l’Anglais. Qui veut aller chercher le médecin… et la police ? Dépêchez-vous, y n’fait presque plus clair. Ça m’a l’air d’un assassinat !

— Alors pourquoi qu’y se seraient tués tous les deux ?

— Bah, vous n’y comprenez rien… Génie, ajouta le concierge très embêté, téléphone à la famille…

— Quelle famille ?

— La fiancée, parbleu ! Quant à moi, je ne reste pas ici. J’aime pas les macchabées !

Suivant son exemple, ils partirent, refermant soigneusement la porte à clef, laissant la lumière.

Un autre silence, long, très long…

Et puis une plainte s’éleva…

André Lazeski, hagard, la figure ensanglantée, se relevait péniblement… Mais ses forces le trahirent et il retomba à genoux. Alors il aperçut Renold étendu, sans un souffle, la main contre sa poitrine d’où s’échappait un mince filet rouge.

— Oh !…

Rampant jusqu’à lui, il vit à la clarté violente de l’électricité la figure blême, les paupières bleuies de Lyllian. Avec des précautions infinies, luttant lui-même contre l’agonie, la tête si lourde qu’il ne la levait qu’à demi, André entr’ouvrit le veston, le gilet, la chemise de