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LORD LYLLIAN

— Et tu t’imagines que je vais traîner ma vie de bouge en bouge, de naufrage en naufrage parce que tu m’auras dévasté le cœur, pendant que, blasé de tes anciennes hontes tu essaieras de frotter ta pourriture à l’innocence d’une jeune fille. Non ! ce serait trop facile, mon cher !

— On dirait la scène à refaire. Voyons, André, Calme-toi ; j’ai un rendez-vous… Il est bientôt sept heures. Le temps de m’habiller ; il faut que tu t’en ailles… À quoi bon tout cela ?

— Nos âmes du Nord ne connaissent pas le pardon ni l’oubli, haletait Lazeski. Je profite de tes leçons. Assez souvent, tu m’as montré le monde ainsi qu’un tréteau de masques dont il faut se venger… Tu es encore le plus cynique de tous ces masques… Allons soit : Veux-tu de moi, oui ou non… M’aimes-tu encore, et pour la dernière fois ?

— Non.

— Hé bien, je me venge !…

Un geste bref, des coups de feu : un cri, un seul… un cri terrible !

Sur le corps de Renold s’abattait André, qui râlait.

 

Il y eut un instant, dans la chambre, d’immobilité tragique. Puis, des appels du dehors, parvinrent.

— Je vous dis que ça vient du rez-de-chaussée de l’Anglais ! disait une voix… Sûrement un malheur !

— Allez vite chercher du secours, répliquait un autre. Il faut ouvrir cette porte…

Un long murmure suivit ; après cela, un va et vient confus.

Des gens couraient. On cherchait quelqu’un.

Enfin, des bruits de clefs, de la lumière ; les premiers arrivants reculèrent sur le seuil de la chambre…