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MESSES NOIRES

— Alors… aujourd’hui, articula fébrilement André Lazeski, en relevant la tête, aujourd’hui… Pas de blague… c’est passé, cassé, lassé ? Tu ne m’aimes plus ?…

Renold ne l’avait jamais deviné plus beau, plus passionné, plus sincère. Le « mais oui, je t’aime encore ! » tremblait sur ses lèvres… Alors, soudain, il se rappela sa promesse, ses serments, ses fiançailles : Elle !…

Elle devait l’attendre, toute déçue qu’il ne soit point là, au fond du jardin solitaire… Non, il était trop tard pour ressusciter les vertiges de jadis. Il fallait en finir, l’autrefois était mort.

— Je ne t’aime plus, dit Lyllian lentement, parce que je ne dois plus le faire…

— Misérable, misérable lâche ! s’écria André, tu n’as même pas la dignité de rougir de tes mensonges ! Ainsi tu m’auras rencontré, trompé, souillé et perverti, tu auras fait de moi un malheureux et un damné — à dix-sept ans ! Après avoir été un jouet pour ton désir, je suis un but pour ton mépris. Et tu me laisses ! oui, ton geste a de l’élégance : Veuillez donc ouvrir la croisée que je jette ceci dans la rue ! ceci, c’est moi, c’est tant d’autres, pareils à André Lazeski que tu auras détournés du droit chemin, pour amuser tes vices afin de t’en mieux dégoûter un jour.

» Et tu te défends d’être un éducateur ? La belle histoire ! Mais tu ne sens donc pas qu’avec ta littérature et toutes tes beautés prétendues, avec l’excuse de tes jolies phrases, tu m’enlisais plus fort, tu me débauchais davantage… La boue seule répugne… Mais toi, Renold, tu cachais la boue sous des fleurs !…

Lord Lyllian, troublé par ces invectives, essayait en vain d’apaiser le jeune homme.