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LORD LYLLIAN

mais à la façon romanesque des princes de légende ! Fiancé d’adolescence et fiancé d’amour, union des vies, union des cœurs !

Il songeait à cela et à bien d’autres choses encore, lorsqu’il s’éloigna de l’avenue, rentrant chez lui. Il revoyait dans une succession de caresses et d’ivresses leur retour à tous les deux, après les serments dans l’église de Versailles ; la rencontre de la mère, désormais de leur mère commune, qui, sans mot dire, en pleurant de joie et d’espoir, leur ouvrait les bras, les embrassait…

Et puis, oh, et puis… ce trajet jusqu’à Paris qu’il se rappelait avoir accompli quelques heures auparavant dans l’incertitude et dans l’indifférence, et qu’il parcourait, maintenant, près de la bien-aimée, comme dans une extase, avec des ailes ! Quelle griserie, mais aussi quelle invraisemblable joie !…

Si bien que le soir, sur le point d’annoncer à ses cousins d’Angleterre l’heureuse nouvelle, il hésitait encore… Mélancolie de vivre qui voile toutes choses d’un doute ! Pourtant, que de désirs soudainement exaucés, que de beaux rêves qui allaient enfin éclore !

Maintenant, Lyllian concevait mieux la vérité. Ce qu’il croyait une légende devenait la réalité du présent et de l’avenir.

Dès les premiers jours, elle lui avait donné en gage un portrait d’elle, un tout petit portrait qui la représentait, dansant le joli pas lent du menuet, ainsi que Renold l’avait aperçue, dans un bal poudré, en finette de Watteau.

Et voici : chaque fois que Renold rentrait, après ces quelques heures exquises passées près d’elle, avenue de Messine, dans le parfum grisant de toutes ces fleurs