Page:Adelswärd-Fersen - Messes noires ; Lord Lyllian, 1905.djvu/201

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
189
MESSES NOIRES

Du pavillon arrivaient les accords alanguis d’une valse, tandis que sous les feuillages, près des escarpolettes et des jeux improvisés, la livrée apprêtait un goûter champêtre.

— Allez la rejoindre, dit alors le vieux Fantham, en serrant affectueusement la main de Renold. Parlez-lui ; écartez-vous un peu de la fête. Je vous le permets, moi, au nom de tous. Allez, Lyllian, vous pouvez avoir confiance… on répond à vos sentiments…

… On répond à vos sentiments… Comme dans un songe, le cœur grisé par ces mots d’espérance, Lyllian se dirigea alors vers le groupe où Elle se trouvait.

À mesure qu’il s’approchait et qu’elle le voyait venir, sa frayeur à lui renaissait presque en même temps qu’une ferveur étrange, faite d’adoration et de respect.

C’est à peine s’il balbutia, en rougissant, une phrase banale, quand il fut près d’elle. Comme elle était jolie, ce jour-là ! Dans l’encadrement foncé des vieux arbres, elle se détachait jeune, claire et rose, toute vêtue de ciel !

Vainement, pris d’un trouble indicible, Lyllian cherchait-il ses paroles. La présence des autres jeunes filles l’affolait : Plus rien. Plus un mot : plus une phrase. Et, pourtant, comme il s’était juré de lui parler…

Ils demeuraient ainsi, très timides, l’un près de l’autre, quand l’excellent Lionel Fantham qui, de loin, surveillait le manège, vint les secourir.

— Hé bien, mes enfants, l’on s’amuse ? Avez-vous vu le joli dieu de marbre au fond du parc ?… Une statue de Coysevox… le trésor de l’endroit !… Tenez, accompagnez-moi : je veux vous y guider…

Et comme ils avaient marché quelque temps, séparés