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LORD LYLLIAN

des choses, Renold. Pourtant je ne l’aurais pas cru dans cette occasion, si votre cousine, lady Rutford, ne m’y avait aidé…

» Alors ?… continua Fantham en laissant glisser son monocle, c’est bien vrai que vous avez pour ma petite nièce un sentiment… comment dirais-je ?…

— Dites de l’amour, monsieur Fantham…

— Cependant… vous êtes si jeune !

— Ne l’est-elle point ?

— Peut-être… mais, voyons, murmura Fantham avec son air un peu railleur d’ancien Lifeguard, êtes-vous bien sûr de vous-même ?

— J’en suis sûr.

— N’est-ce pas un caprice ? Songez combien le mariage — j’ai l’air d’être au prêche — est une chose importante, sérieuse. Dans votre cas, comme dans le sien, ça peut commencer si bien et finir si mal…

— Je l’aime avec sincérité et profondément.

— Vous croyez-vous digne d’elle ? Je sais ce que c’est, la vie d’un joli petit jeune homme…

Renold rougit. Est-ce que Fantham se douterait ? Pourtant, calmé, il répondit :

— Je m’en crois digne, à présent.

— Regardez-moi bien en face : les regards ne mentent point.

Lyllian découvrit ses prunelles claires que désormais aucune pensée coupable n’obscurcirait plus.

— Voilà, murmura Renold. Voilà mes yeux, qu’y lisez-vous ?

— La vérité.

Un silence. Tout près d’eux maintenant passaient des visiteuses avec un bruit soyeux de toilettes légères.