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LORD LYLLIAN

d’une passion que vous reniez. Mais, d’après ce que vous m’avez dit, d’après vos aveux dans la pénombre, rien ne vous a été épargné, ni les souffrances, ni les déceptions, ni les larmes. Aujourd’hui le présent vous enivre d’une nouvelle extase : demain, le souvenir vous reprendra. Prenez garde !

Un nouveau silence se fit, bientôt troublé par les arpèges d’une symphonie de Tchaïkowski que jouait délicieusement le compositeur Rinberg.

Maintenant, très voisine du jeune Anglais, la jeune Altesse, fort séduisante, fixait sur Renold des regards ambigus.

— Oui, continuait Lyllian… c’est mon dernier voyage à Byzance. J’en aurai respiré les suprêmes parfums. Demain, après-demain peut-être, je serai fiancé… Ce soir, encore un peu de musique, un peu de tristesse, un peu de mystère : puis, que le jour se lève !…

— Lyllian… Renold… que vous me faites de peine, dit alors le grand duc Sacha d’une voix plus tendre. Vous êtes si charmant ainsi… Ne changez pas. J’ai beaucoup de sympathie et d’affection pour vous. Venez en Livonie… Vous verrez… on s’amuse à la Cour… Vous y serez le maître, et quand je règnerai j’imiterai pour vous le roi Louis de Bavière…

— Peut-être est-il trop tard pour en parler encore ! répliqua Renold dans un sourire mêlé d’un regret. J’aurais eu plaisir, ajouta-t-il gaiement, à me voir breveté par votre Altesse !…