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MESSES NOIRES

C’est plus près de treize que de quarante. Et si la fraîcheur d’impression des uns me plaît davantage que la pédanterie ou le cynisme des autres, j’ai bien le droit de l’aimer.

— Prenez garde, ne parlez pas si fort… interrompait Charlu avec sa voix d’ouvreuse et son monocle en bec de gaz… On nous entend partout.

— Que ces enfants qui viennent chez moi soient innocents et qu’ils ne parlent que de rosaires, j’en doute, continua Lyllian, sans répondre à Charlu. L’internat qu’ils ont connu, l’externat qu’ils pratiquent les ont depuis longtemps démoralisés. C’est justement là où modestement j’interviens.

— On dirait le Père Lacordaire, ou saint Newsky, insinuait le Prince.

— Autres jeux, autres poses, reprit Lyllian. Vous aussi, Skotieff, vous finirez dans la garde du Sacré-Cœur. Donc, mes potaches savent ce qu’ils ne devraient pas savoir. Entendu. Mais devinez-vous à quoi ils réduisent le mythe divinisé par Narcisse et par Adonis et que les plus grands poètes ont célébré ? Une poche trouée, des doigts qui frôlent, des yeux cernés. Voilà l’histoire !

— Pour un mouchoir sali, c’est peu de chose…

Parmi les éclats de rire et les voix confuses un homme entrait dans la salle et s’asseyait dans un coin à une table solitaire, — l’air vulgaire et misérable, déchu, souffrant. Une tête de Vitellius fichu à la porte. Mais personne n’y fit attention et lui-même se mit à manger sans inspecter les dîneurs.

— À ces farces de dortoir qui ridiculisent et qui diminuent l’amour le plus divin du monde, j’oppose cette passion étrange si l’on veut, mais réelle et capable de