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MESSES NOIRES

espacées, qui rendaient plus mystérieuses et plus solennelles les pénombres. Après la place du père, d’autres espaces avaient été réservés et montraient leurs panneaux vides, où le bois reluisait.

Renold songeait…

Lui aussi, lui aussi irait grandir le nombre des aïeux, survivrait pour les générations futures d’un sourire éternel et dominateur. Il allongerait d’un grain ce chapelet de souvenir et d’orgueil. Et de hautes lignées continueraient après lui à remplir cette salle de noblesse, de victoire…

Un gémissement le fit tressaillir. Était-ce le vent dans les arbres, la plainte de la nuit prochaine ? un je ne sais quoi pleura qui semblait l’âme même de la vieille maison. Entouré de fantômes et de passé, comme enlisé dans de la gloire, dans la gloire puritaine de cette antique Écosse dont il était enfant, il sentit un frisson traverser son cerveau. Est-ce qu’ils avaient vraiment gémi par la voix du sépulcre, ces grands morts qui méditaient, sévères dans le vieux château ? S’étaient-ils réveillés de leur sommeil séculaire pour pleurer la fin de leur race, pour maudire leur dernier fils ?

Et, dans un éclair de conscience, lord Renold Lyllian revit avec mépris ce qu’il avait vécu et songea à ce qu’il aurait dû vivre. Partout des remords. Son âme remplie de peine n’était fleurie d’aucune pensée consolante, d’aucune bonne action, d’aucune innocente joie : La leçon des ancêtres… La colère des aïeux !…

Avait-il, comme eux, remporté des victoires, laissé traîner dans l’histoire le panache de son feutre ?…

Non. Ils le reniaient, comme le renierait ce sol, ce sol où il avait vu le jour, où il avait vécu enfant, adolescent