Page:Adelswärd-Fersen - Messes noires ; Lord Lyllian, 1905.djvu/141

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
129
MESSES NOIRES

oh, laissez-moi le dire, comme au bonheur de mon bonheur…

À ce moment Beppina entra dans la chambre. Elle fit un léger salut à lord Lyllian, s’approcha du lit avec une tisane :

— Buvez, murmura-t-elle avec la voix douce des mamans qui bercent leurs petits.

— Comme tu sens bon, Beppina ! Tu viens du petit bois de citronniers qui grimpe sur la colline. Tu sais, à côté de l’Hôtel…

— Hé oui, j’en viens. Pense donc, mio, que la récolte va bientôt avoir lieu. Elle sera merveilleuse, la récolte, cette année. De beaux fruits, si lourds que les branches cassent. Et un parfum ! Mais, ajouta-t-elle avec un œil malicieux, ce n’est pas ce parfum-là qui embaumait ta chambre quand je suis entrée… J’ai quelque chose là, pour toi…

Elle fouillait dans sa poche : Eccho della Madre ! s’exclama-t-elle triomphalement, en tendant à Ansen un pli timbré.

— Mais, c’est une dépêche ! Que ne la donnais-tu ? Vous permettez, balbutiait Ansen, tout rouge de joie…

Et de ses doigts inhabiles, maigris par les fièvres, il décachetait le mince papier.

— Oh, mon Dieu, Renold, je vais être bien heureux ! Tenez, lisez vous-même ; dites-moi si je ne me suis pas trompé. Il fait trop sombre ici, pour lire… Beppina, ouvre les fenêtres, relève les stores… Il faut que le soleil entre pour que mon petit ami lise mieux. Moi, j’ai compris en distinguant à peine… Cela vient de maman ; je lirais ses lettres même dans la nuit, avec les lèvres ! Oh, mon Dieu, Renold, maman va me rejoindre !…