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MESSES NOIRES

veilleuse brûlait auprès du lit. Et c’était un mélange de tristesse et de misère. Au dehors, des cris joyeux, des cris d’enfants qu’on avait abandonnés dans les roses, roses qu’on avait oubliées dans du soleil…

Oh, comme vous êtes changé ! La figure émaciée du Suédois avait pourtant conservé son aspect juvénile. Dans cette transparence blonde, si blonde qu’on eut dit de la neige à peine teintée, les yeux seuls demeuraient ardents et voilés. Les regards d’Ansen évoquaient leur première rencontre, leur sympathie soudaine, leurs muets désirs. Et puis c’était fantomatique comme un rêve, le souvenir de cette soirée d’étoiles, du baiser sanglant, des litanies d’amour coupées par les râles déjà…

— Vous savez que je vais mieux… Ah, j’ai tant désiré vous voir ! C’est ce qui me rend la solitude doublement triste… Autrefois, les bonnes causeries avec vous… Penser que je vous connais depuis deux mois à peine, il me semble que c’est depuis toujours.

— Mais, vous allez guérir, Axel, et alors nous les reprendrons nos promenades, nos chimères, nos dialogues. Vous savez, le mimosa que nous avions dépouillé pour fleurir ma chambre de gouttes d’or, il a repoussé de plus belle. En passant auprès, hier, j’étais grisé par son parfum. Les fleurs ressuscitent. Les malades sont comme les fleurs…

— Alors, vraiment, vous croyez…

— Si je le crois, j’en suis sûr !

— Merci de me le dire, en tout cas, Renold. Si vous saviez comme tous ces jours derniers j’ai rêvé de vous voir. Je suis très seul ici, vous comprenez, quoique Beppina, ma garde-malade, une Palermitaine, soit une brave femme dévouée. Elle venait d’être mère quand on