Page:Adelswärd-Fersen - Messes noires ; Lord Lyllian, 1905.djvu/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
123
MESSES NOIRES

Pour la seconde fois il s’arrêtait épuisé, les yeux hâves, la bouche sèche, le souffle haletant.

— Écoute, une idée m’est venue, ridicule et charmante, une idée dont tu riras avec le joli rire que je te connais… Je veux t’embrasser à cette minute de recueillement et de silence… Vois donc, c’est presque religieux… De grands oiseaux volent, là-bas, dans les ténèbres… Nous ne retrouverons plus ce calme et cette beauté… Ah, tremble, tremble encore… Je veux nous fiancer aux étoiles !

Il murmura ceci, d’une façon si tendre et si étrange que Renold en oublia la naïveté… Alors, il lui tendit sa bouche… De nouveau, précipitamment, une quinte atroce secouait le misérable Ansen qui portait un mouchoir soyeux à ses lèvres. Et quand ils s’embrassèrent, Lyllian distingua à travers la caresse le goût fade du sang…

 

Le lendemain, la maladie se déclarait, et depuis une semaine l’état s’aggravait, empirant d’une façon navrante… Maintenant, Ansen haletait et bien peu d’espoir restait qu’il n’en demeurât très faible… malgré le climat, malgré ce soleil étincelant, ce ciel nimbé de lumière et de vie comme d’autres sont voilés de tristesse et de brume. Lyllian pensait à toutes ces choses, lorsque d’Herserange parut, un large sourire épanoui sur sa face de chantre.

— Ah, mais, vous savez, j’ai une bonne nouvelle à vous apprendre !

— Quoi ?

— Skilde, le grand poète Skilde, vous le connaissez, je crois, est gracié !