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LORD LYLLIAN

recommence… Ça l’excite, vous comprenez, my lord, ça lui met le sang en mouvement et le docteur redoute les congestions… le délire, sans compter de fréquentes syncopes…

Et, pour terminer, le valet ajoutait avec un grand air de résignation :

— Ah, on peut dire qu’il nous a donné de l’ouvrage !

— C’est bien ; vous préviendrez Monsieur que je suis venu chercher de meilleures nouvelles. À demain.

Et lord Lyllian, frémissant, s’éloignait, descendait au jardin, allait jusqu’à la petite terrasse, entre les palmes et les lauriers où l’on découvrait doucement la mer. Il s’asseyait sur un banc, sur le même qu’ils avaient choisi, Ansen et lui, pour leur première causerie. Pauvre Ansen ! Et Lyllian se souvenait avec angoisse, avec presqu’une superstitieuse terreur, du soir dont parlait l’homme tout à l’heure… Cette vilaine bronchite que Monsieur a attrapée en restant tard au jardin… Il y avait déjà quinze jours qu’Axel, légèrement indisposé la veille, l’avait prié de lui donner rendez-vous au crépuscule… À son arrivée, Lyllian avait remarqué de suite l’extraordinaire pâleur de son ami, et l’éclat de ses yeux qui brillaient dans l’ombre comme s’ils avaient pleuré. Axel frissonnait, tout en souriant, pour rassurer Renold. Qu’il était gentil d’être venu, malgré cette promenade en barque qu’il avait dû faire. Comme lui, Ansen, était reconnaissant à Renold de se laisser aimer un tout petit peu, de se laisser dire des choses d’extase et d’amour aux lueurs des étoiles… Et, de nouveau, Ansen frissonnait.

— Écoutez, il vaudrait mieux rentrer chez vous… Vous n’êtes peut-être pas remis complètement de votre