Page:Adelswärd-Fersen - Messes noires ; Lord Lyllian, 1905.djvu/125

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
113
MESSES NOIRES

l’hôtel, par hasard. Vous savez bien le jour où la marquise della Maria Perdita donnait son bal en tête…

Je m’étais inspiré du portrait par Latour de l’archiduc Walfgang qui est à la National Gallery. Du matin au soir mon costume était arrangé… figurez-vous une rhingrave brodée, que je dénichai chez un vieil antiquaire de bonne souche, de ceux qui ont encore des crocodiles au plafond — une rhingrave de la nuance la plus tendre et la plus indécise ; couleur aurore, avec des passementés roses et argent, la culotte et le gilet d’un bleu d’Aïeule, et couvrant les souliers à talons galants, de larges boucles de topaze. Un doigt de poudre sur la perruque blonde et je faisais, sans médire, un assez joli pagelet. Pour aller au bal, je m’enveloppe tant bien que mal dans un grand manteau vénitien et j’allais arriver à la voiture quand, au dernier couloir, paf ! je me jette dans le Suédois…

» Vous le connaissez… Vingt-deux ans, mince, blond, l’air à la fois timide et railleur, avec des gestes maniérés et une voix à dire des vers. Il est Suédois mais du temps de Fersen et du roi Gustave, il est du Nord, mais où il y a du soleil.

— Parbleu, sa cause est gagnée.

— Me prenez-vous pour un trottoir roulant ?

— À peine pour le Passage des Princes.

— Merci, abandonnez aux autres. Je vous décris la silhouette comme le ferait un agent même pas des mœurs. Quant à sa vie, à ses habitudes…

— Il les passe dans le bois d’oranger.

— Quelle blague.