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MESSES NOIRES

ses regards heureux et sensuels, aucune arrière-pensée elle, aucun regret. Après tout, on la paierait bien ! Soudain, leurs bouches se mêlèrent et, avec une science que Lyllian eut enviée, il promena ses lèvres tout autour du cou fin, derrière les oreilles menues, frissonnantes et nacrées, à la naissance de la gorge que le corsage légèrement échancré découvrait.

— La résurrection de saint Lazare, hasardait, impatienté, le jeune Lord.

Maintenant, avec des précautions inimaginables, M. d’Herserange la dévêtissait. Il était moins heureux qu’aux préliminaires. Ses mains maladroites, inaccoutumées aux choses féminines, traînaient sans trouver, frôlaient sans ouvrir. Elle l’aidait avec une moue espiègle et avec un air de dire : Pauvre vieux ! Et le pauvre vieux, contrit, avait beau se donner tout le mal possible au monde… il attendait que Vénus fût Vénus.

Elle le devint. Et Lyllian, frissonnant, oublieux de la prudence la plus élémentaire, s’était avancé en rampant jusque près de l’alcôve. Là il pouvait détailler le corps admirablement juvénile de la petite, juvénile au point d’être presque celui d’un gosse d’amour. Un parfum entêtant se dégageait du linge, du pauvre petit linge qu’elle avait quitté, un parfum musqué de joli animal. Mais l’extase de Renold fut de courte durée. M. d’Herserange, en chemise et en caleçon, marchait vers le lit avec des mines de curé galant…

— Vous n’avez pas de toupet, mon gros père !

Un cri d’effroi, menu comme un cri d’oiseau, un ahurissement, une trombe et un sourire. C’était Lyllian qui bondissait de sa cachette, se plantait devant la diplomate, protégeant le lit.