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MESSES NOIRES

Lyllian la regardait, il vit qu’elle avait fixé sur lui ses prunelles. Aux lueurs du fanal, il ne voyait plus que ces bijoux de caresse et de nacre.

Jusqu’à la fin de la promenade nocturne, qu’elle chantât ou qu’elle s’assît, les yeux mystérieux ne s’alarmèrent point du visage qui les avait tentés. Et Lyllian s’abandonnait délicieusement à cette muette volupté, à cette étreinte lointaine, contenue jusqu’aux désirs les plus ardents, dans l’aveu d’un seul regard. Ah, le piteux travesti, mais la douce voix solitaire et aimante ! Un instant, M. d’Herserange, troublé lui aussi par la poésie du grand canal, hasardait un : je vous aime, pendant que le prince Skotieff jouait avec un mouchoir parfumé…

— Tâchez donc de m’avoir cette jeunesse… murmurait en réponse Renold à l’oreille du Diplomate.

Et d’Herserange comme un caniche obéissait :

— Venez chez moi vers six heures. Nous dînerons ensemble. Je vous mènerai vers elle.

 

La matinée et la journée lui parurent d’une longueur effroyable jusqu’à ce qu’il soit reçu au Palazzo Vendranim par la bonne figure du Diplomate.

— Alors c’est vrai, vous l’avez découverte ? Quel coulissier !

— Mon Dieu, bien simple, je vous l’assure. Je lui ai demandé un rendez-vous comme pour moi et elle me l’a accordé. Elle est exquise, elle parle français.

— Charmant vieux Satyre ! l’idée est très bonne. J’ajoute même excellente. Savez-vous ce qu’elle m’inspire ? vous allez contenter cette amoureuse enfant. La seule grâce que vous daignerez m’accorder sera de voir