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LE BAISER DE NARCISSE


lauriers roses qui croissent au fond des ravins brûlés. Comme venait l’heure méridienne, un appel brutal de trompes retentit. Après, il y eut une seconde de calme : on entendait le crissement sec des cigales.

Scopas venait de sacrifier, sur le conseil des sibylles, un agneau noir et des colombes pour remercier Pallas. Il rendait grâces, à cause de l’achèvement d’une œuvre qui devait encore ajouter à la gloire de Zeus : Son temple à Ganymède. Et maintenant, purifiés selon les rites, ils descendaient, incertains d’où ils iraient, vers les murmures de l’Agora, l’Apoxyomène à la tête blanche soutenu par l’éphèbe à la tête brune, ainsi que Pindare, jusqu’à la tombe, fut guidé par Theoxénos.

Aussi bien, arrivé en face des Propylées, Scopas, jusque-là silencieux, proposa-t-il d’aller voir les fresques d’Ictinus.

Sur l’acquiescement du jeune garçon l’artiste se sentit soudainement heureux. Car si l’Olympe lui avait été favorable et le protégeait, si le renom lui était venu après avoir bâti à Syracuse un palais au Tétrarque qui l’avait couvert d’or, la fin d’une vie laborieuse se couronnait par un chef-d’œuvre. Ainsi le peuple athénien avait-il consacré le nouvel édifice, dédié à la Jeunesse, dans l’intérieur duquel Ictinus peignait encore. À ce trophée, à cette fleur jaillie du marbre, Scopas joignait la plus jolie des fleurs humaines : Milès. Et rien n’est si doux que d’unir la gloire aux baisers…

Ils se dirigèrent donc vers les rostres de l’Erechtheïon où l’on trouve des esclaves pour porter les litières. Justement, en face d’eux, à l’horizon clair et crépitant d’azur, la colonnade hardie du Temple profilait sa dentelle fuselée, que Scopas avait brodée avec ses rêves. Les lignes pures du monument, bâti en dehors de la ville, au flanc de la colline sacrée, se détachaient parmi les