un cri, puis de sourds gémissements et le silence. Parfois aussi,
devant le riche descendu de litière, on amenait, suivant ses
désirs, quelques-unes de ces mornes victimes. On jetait à bas le
bout de coton ou de toile qui couvrait leur nudité. On jugeait,
on jaugeait, on marchandait. Parfois enfin, au milieu de ces
visages de pauvreté, de souffrance et de honte, la jeunesse ou la
beauté étincelait dans un sourire. C’était le marché aux esclaves.
Milès finissait là. On lui avait confirmé les révélations de Séir. Il
était orphelin, pauvre et abandonné. Dix ou douze veilles après
la rencontre de Séir qu’en vain il avait cherché, l’âme en déroute,
après avoir vendu le dernier fil d’or de sa tunique, après avoir
tout essayé, on l’avait arrêté sous un vain prétexte, séparé de la
mendiante qui l’étreignait d’un bras crispé, jeté aux fers, puis
déclaré esclave.
Esclave ! il préférait cela plutôt que de retourner vers Attalée, puisque pour lui Byblos n’existait plus. Et comme dérobé aux regards des acheteurs, perdu dans la douleur de ses rêves, l’adolescent, dont la beauté était rendue plus belle encore par la tristesse, ressemblait à ces statues indifférentes ornant les palais mutilés.
Comme on était au milieu de la journée et que les terrasses n’avaient plus d’ombre, un cortège déboucha sur la place comme pour se rendre au port. Il était composé de trois litières aux rideaux fermés à cause de la chaleur, et des joueurs de lyre se tenaient à côté des esclaves. Les guirlandes de fleurs flétries, l’éreintement des porteurs, le manque de verve des musiciens, aussi bien que les gestes désordonnés soulevant les rideaux indiquaient un lendemain d’orgie. Soudain, une tête chauve et barbue, on aurait dit d’un Silène, émergeait de la première portantine et faisait arrêter devant une porte aigrettée d’une branche de pin.