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LE BAISER DE NARCISSE

Celui-là était devenu son premier ami. Une affinité secrète les unissait de suite. Lorsque, dans les premiers temps, Milès demeurait rêveur et presque triste en songeant à Byblos, à la maison du maître, aux caresses d’Elul, au sourire distrait de Lidda, Enacrios lui parlait, l’interrogeait, apaisait ses souvenirs par de belles espérances. Sans se rendre compte de la fièvre que soulevait sa beauté, Milès, ignorant de l’amour, ignorant de soi-même, rendait en affection ce que Enacrios lui offrait en passion plus obscure et plus humble. Pourtant jamais Enacrios n’avait révélé son extase intérieure. Il vivait près de son ami comme un esclave auprès du Tout-Puissant. Ses joies les plus grandes étaient de voir Milès heureux. Et quand Milès, surpris, recevait de lui des fleurs, des étoffes légères, un sourire récompensait Enacrios plus que toutes les paroles du monde. L’amour ne demande rien quand il aime ; tout lorsqu’il est aimé.

Cependant la mauvaise saison était venue. Sous un ciel bas, les nuages s’amoncelaient, sans discontinuer, et les pluies commencèrent. Le soleil ne se montrait plus que rarement lors de quelques accalmies, et alors on pouvait voir au lointain, se profilant sur une clairière d’azur, les cimes neigeuses des montagnes. On avait retiré des portiques les voiles de pourpre et les guirlandes, déjà lamentablement déchirés par le vent. À la vie sur les terrasses, dans le bonheur inerte des chaudes soirées, succédait la monotonie des heures, durant lesquelles, cloîtré, Milès pensait aux choses d’autrefois.

Son tendre et triste ami l’épiait ; maintenant il avait osé lui parler des choses qui faisaient de lui un exilé dans ce temple. Et Milès lui racontait sa vie, recommençait au fil des souvenirs la longue route parcourue pour venir, décrivant les collines et les plaines, les rochers et les sables, les arbres et les fleurs, les arbres

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