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CHAPITRE I



Milès…

Il était né à Byblos, la ville rose aux terrasses dorées, à Byblos, dans la vallée de Laodicée, où les temples d’Adonis dressent sur le ciel clair et contre les collines de laurier leurs colonnes en marbre. Ce fut vers l’époque à laquelle l’été commence. Par milliers, comme des fusées immobiles, les lys étoilaient les champs jaunis. L’odeur menthée des herbes et des fenouils mûrs arrivait, violente, jusqu’à la ville, et les raisins montraient déjà entre les larges feuilles leurs grains verts. La mère de Milès, Lidda, était une affranchie d’Elul, le maître. Lidda venait de la Bithynie. Ses yeux de cristal, où des gouttes d’eau semblaient prisonnières, contrastaient avec les regards ardents, noirs et monotones des filles de la contrée. Elle avait été achetée par Elul trois années auparavant, comme esclave. On l’avait employée au pressoir des olives. Après la récolte, au moment de l’hiver, elle

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