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ZYWILA.

étonnée de voir le peuple en foule et des ennemis en armes. Poray s’approchant lui dit : « Bannis toute crainte, ma très-chère, ce sont les guerriers d’Iwan, les vengeurs de nos offenses, dont la protection ne nous quittera plus. » À ces mots, Zywila fut près de s’évanouir de nouveau ; soudain elle tira du fourreau le glaive de Poray et en dirigea la pointe contre sa poitrine avec tant de force qu’elle le transperça d’outre en outre. « Traître, s’écria-t-elle, la patrie était donc si peu de chose à tes yeux que tu l’as vendue pour un peu de cette beauté ; homme sans honneur, c’est ainsi que tu m’as payée de mon constant amour ! Et vous, citoyens, qui restez immobiles, comme si cela ne s’adressait point à vous, ne tournerez-vous pas contre ces brigands votre colère et vos vengeances ? » En achevant ces mots, elle se jeta avec son glaive sur l’ennemi le plus proche : à cette vue, le peuple remué comme si on l’eût aspergé de flammes, et prenant ce qui lui tombait sous la main, courut avec des armes et des glaives sur les Ruthéniens qui ne s’attendaient à rien de semblable. On en extermina un grand nombre dans les maisons et dans les rues ; on prit Iwan et l’on emprisonna le reste. Zywila accourut sur la terrasse où se tenait Koryat qu’on venait de délivrer : « Mon père ! » s’écria-t-elle, et elle tomba sans vie.