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taires en 1814 que pour les accordeurs en 1792, je sollicitai ma retraite et j’obtins d’entrer aux Invalides. Le hasard me fit assister à la vente du mobilier de la reine Hortense. Jugez, Monsieur, quelle fut ma joie, en reconnaissant mon vieux compagnon, mon pauvre clavecin ! Depuis que j’en ai fait l’acquisition, il m’a consolé de tous mes chagrins. Mais je me fais vieux ; que deviendra-t-il après moi ? Il n’a jamais habité que des palais ou des hôtels, sera-t-il destiné à être dépecé et vendu pièce à pièce par un brocanteur ? C’est un cruel chagrin pour mes vieux jours.

— Mais, Monsieur, lui dis-je, n’avez-vous jamais revu votre jeune garde national ?

— Si fait vraiment ; je l’ai retrouvé presque en même temps que mon clavecin. Nous étions partis du même point, mais nous avons choisi deux carrières bien diiférentes. Je me suis fait militaire, j’y ai gagné les Invalides. Il s’est fait directeur de spectacles, et il y a gagné quarante mille livres de rente.

M. Singier est peut-être, du reste, le seul directeur qui ait fait sa fortune, en se faisant toujours aimer des administrés qui l’aidaient à s’enrichir. Vous voyez bien, Monsieur, que mon clavecin porte bonheur.

Ici mon vieil officier s’arrêta, je le remerciai de sa courtoisie ; il m’accorda la permission de venir le revoir et même de lui amener quelques vrais amateurs pour visiter son instrument. Lecteurs, si vous voulez faire connaissance avec le clavecin de Marie-Antoinette, allez à l’hôtel des Invalides, demandez M. le chef de bataillon Doublet, et l’heureux possesseur de