— Pas le moins du monde, je ne suis qu’un simple amateur, mais j’aurais été désolé de voir détruire inutilement un si beau meuble.
Il appelait cela un meuble ! Enfin, n’importe : il l’avait sauvé, c’était l’essentiel. Nous cherchâmes en vain les moyens de préserver plus longtemps mon pauvre clavecin.
— Monsieur, me dit tout d’un coup le jeune homme, je crains qu’il ne fasse pas longtemps bon pour vous en ces lieux. Grâce à mon uniforme je ne crains rien, mais vous n’avez pas un costume à l’ordre du jour (il avait raison, j’étais à peu près propre), d’un moment à l’autre vous pouvez être arrêté, suspecté, interrogé ; le mieux est de vous esquiver jusque chez vous. Le clavecin deviendra ce qu’il pourra, songez d’abord à vous. Il dit, me pousse hors de la chambre, ferme la porte et jette la clef par une fenêtre.
— Monsieur, de grâce, lui dis-je, que je connaisse au moins le sauveur du clavecin de la reine. Votre nom ?
— Singier. Le vôtre ?
— Doublet, accordeur de la reine.
Il me ferme la bouche d’une main, me tend l’autre et s’esquive.
Le lendemain de cette fatale journée j’allai m’engager ; la carrière des armes me fut plus favorable que ma première profession. J’obtins rapidement de l’avancement, et j’étais parvenu au grade de chef de bataillon à l’époque de la Restauration.
Je jugeai qu’il ne faisait pas meilleur pour les mili-