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ou le doreur sur cuivre. Alors, les artistes les plus célèbres, Boucher, Vanloo ne dédaignaient pas de couvrir de peintures les parois intérieures d’un instrument de musique, et l’on voit souvent, dans les cabinets des amateurs, des peintures sur bois qui ont survécu au meuble dont elles faisaient partie, et dont elles formaient quelquefois la plus grande valeur.

Ce n’est pas qu’alors il n’y eût déjà des pianos à Paris ; mais ces instruments, presque dans l’enfance à cette époque, appartenaient la plupart à des artistes de profession, et n’étaient pour les amateurs qu’un objet de curiosité et jamais de luxe. Le clavecin profitait des derniers jours de sa gloire, et semblait regarder avec dédain l’humble rival qui, encore réduit à sa forme mesquine et carrée, devait un jour le détrôner entièrement.

C’était donc un clavecin qu’on avait fait faire pour Madame la Dauphine : elle était allemande, on la savait musicienne et on lui donna l’instrument le plus parfait que l’on pût fabriquer. Pauvre beau clavecin ! tu existes encore, mais non plus dans le palais d’un roi ; si de temps en temps tu fais résonner tes sons aigres et criards, que l’on trouvait si pleins et si beaux dans ton jeune temps, c’est la main débile d’un vieillard qui t’anime, toi qui devais ne servir qu’aux plaisirs d’une reine ! et cependant plus d’une main habile s’est promenée sur tes touches délabrées ! À peine peux-tu exhaler de maigres sons, mais si tu pouvais parler, nous redire le temps de ta gloire, alors que Gluck,