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Catel n’était point ambitieux de cette distinction, et ne s’en montra pas fort reconnaissant :

— C’est un mauvais service que vous m’avez rendu, dit-il à M. Boïeldieu ; on ne saura plus comment me distinguer à l’Institut : j’étais le seul qui ne l’eût pas, et quand on voulait me désigner à quelqu’un qui ne me connaissait pas, on lui disait : « Tenez, M. Catel, c’est ce monsieur là-bas, celui qui n’a pas la croix d’Honneur. » Maintenant je serai perdu dans la foule.

— Eh bien ! lui répondit Boïeldieu, portez-la par amitié pour moi. Je n’osais plus sortir avec vous : j’étais trop humilié lorsqu’on nous rencontrait ensemble, et qu’on voyait que l’homme de mérite ne portait pas la croix que j’avais.

Je pourrais citer mille traits charmants d’esprit et de bonté dont M. Boïeldieu donnait la preuve chaque jour : mais il faudrait pour cela outre-passer de beaucoup les bornes de cette notice, et je ne puis me décider à faire un volume.

Si les amis de Boïeldieu, si sa famille désolée déplorent amèrement une perte si cruelle, il est encore quelqu’un dont la douleur doit être bien profonde, c’est celui qui essaie ici de rendre un dernier hommage à la mémoire d’un maître chéri, qui ne s’est pas contenté de lui prodiguer les soins et les conseils qu’il devait à ses élèves. La bonté toute paternelle de Boïeldieu a guidé mes premiers pas dans la carrière où j’essaie de si loin de marcher sur ses traces, et je perds en lui plus qu’un maître. Si ses ouvrages me restent comme modèle, où retrouverai-je ces conseils si utiles, cette