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SOUVENIRS D’UN MUSICIEN.

Elleviou et à Martin. Personne n’écrivit des duos aussi favorablement coupés, aussi heureusement disposés sous le rapport vocal et scénique en même temps, que ceux que Dalayrac composa pour ces célèbres artistes dans Maison à vendre et Picaros et Diego.

Grétry avait commencé par imiter le genre italien, et ses premiers ouvrages y compris le Tableau parlant (ce chef-d’œuvre qu’une récente reprise vient de rajeunir de quatre-vingt-deux ans), sont entièrement inspirés par l’étude et le style des compositeurs italiens de l’époque, style qu’il relève par le cachet puissant de son individualité. Dalayrac, au contraire, montre une manière toute française dans ses premières productions ; on devine déjà quelle sera la romance de l’Empire, dans les tournures des phrases mélodiques qu’il affectionnait en 1782.

Grétry était un grand musicien qui avait mal appris, mais qui devinait beaucoup. Il était né harmoniste ; sa modulation, quoique mal agencée, est imprévue et souvent piquante ; ses accompagnements sont maigres et gauches, mais sont remplis d’intentions et d’effets quelquefois réalisés. On sent que le génie l’emporte et que c’est parce que la science lui fait défaut, qu’il ne peut accomplir tout ce qui lui vient à la pensée.

Dalayrac est peu musicien : il sait à peu près tout ce qu’il a besoin de savoir pour exécuter sa conception. Jamais il n’a voulu faire plus qu’il n’a fait, et, eût-il possédé toute la science musicale que de bonnes études peuvent faire acquérir, il n’eût produit que des œuvres