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sous un pseudonyme, et, pour mieux déconcerter les investigations, ce pseudonyme était un nom italien. Ces œuvres, ni même le nom d’emprunt sous lequel elles furent publiées, ne sont pas parvenus jusqu’à nous. Mais dans l’état de faiblesse où était la musique instrumentale en France, avant qu’on ne connût les quatuors de Pleyel et d’Haydn, il est à supposer que ces compositions n’avaient pas une grande valeur. Elles obtinrent néanmoins un très-beau succès. Dalayrac conserva longtemps l’incognito, et put jouir de son triomphe en toute conscience, car ces quatuors, attribués à un musicien italien, étaient très-recherchés des amateurs et se jouaient partout.

On venait d’en publier tout récemment une nouvelle série, et une réunion intime d’amateurs devait l’essayer, pour la première fois, chez le baron de Bezenval. Dalayrac était au nombre des auditeurs : pour ne rien perdre de l’exécution de son œuvre anonyme, il s’était placé le plus près possible des amateurs qui allaient la déchiffrer. Le premier morceau fut fort bien dit, et reçut beaucoup d’applaudissements. Le début de l’andante parut encore plus heureux ; mais à un certain passage, il advint une telle succession de notes fausses et discordantes, que Dalayrac fit un bond sur sa chaise et s’écria : Mais ce n’est pas cela ; le trait du second violon n’est pas dans ce ton-là !

— Comment ! dit avec conviction l’amateur chargé de cette partie, je joue ce qu’il y a, et si c’est mauvais, c’est la faute de l’auteur, et non la mienne.