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la théorie de l’officier. Mais ces nouvelles études ne l’absorbaient pas au point de l’empêcher de se livrer avec ardeur à son goût favori. Dans la rapidité de ce récit, il n’a guère été possible de constater les progrès que son instinct et sa passion exclusive lui avaient fait faire. Comme virtuose sur le violon et comme musicien, il y avait une énorme distance entre le brillant garde du corps et le petit écolier venant troubler le concert des amateurs de Muret.

Dalayrac était de taille moyenne ; sa figure, couturée par la petite vérole, n’avait rien d’attrayant au premier aspect. Les gens qui ne regardent qu’avec les yeux le trouvaient laid ; mais ceux dont l’esprit et le cœur aident le regard savaient reconnaître son air vif, spirituel, et l’expression de bonté, de franchise et de bienveillance répandue sur tous ses traits. Il avait une de ces laideurs qu’on finit par trouver charmantes, et qui ont au moins l’avantage d’éloigner de vous ceux qui ne peuvent ni vous comprendre ni vous apprécier.

Son caractère doux et sympathique lui attira de nombreuses amitiés parmi ses nouveaux camarades ; ses manières distinguées et ses goûts de bonne compagnie lui ouvrirent les portes des meilleures maisons. C’est ainsi qu’il fut admis dans l’intimité du baron de Bezenval et de M. Savalette de Lange, garde du trésor royal. Il eut l’occasion d’entendre chez ce dernier le chevalier de Saint Georges, et son talent sur le violon le fit accueillir favorablement par le célèbre mulâtre, dont l’habileté sur cet instrument était si remarquable.