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Les gardes du corps avaient le rang et les appointements de sous-lieutenant. Les 600 livres attachées à ce grade n’auraient pas suffi à la dépense du jeune officier. Son père y joignit une pension de 25 louis, ce qui lui assurait un revenu net de 1,200 livres sur lesquelles il fallait s’habiller, se nourrir et se loger pendant les six mois de l’année où l’on n’était pas de service. Sa position n’était pas des plus brillantes ; mais à vingt ans on est toujours riche : n’a-t-on pas devant soi l’avenir et l’espérance, la plus grande et quelquefois la plus assurée de toutes les richesses ?

Cependant un regret venait se mêler aux joies et aux illusions de notre héros : il fallait quitter sa mère ; mais en rêvant la fortune, il rêvait aussi le bonheur, c’est-à-dire, le moment où il pourrait avoir autour de lui tous les objets de ses affections.

Il partit donc, la bourse légère, mais le cœur gros d’espérances. Son père, en le voyant s’éloigner, s’écriait : Peut-être un jour sera-t-il colonel ou général. Mais la mère disait en sanglotant : Moi, je suis sûre qu’il sera toujours un bon fils, et qu’il saura m’aimer à Paris comme il m’aimait ici.

Les fonctions de garde du corps n’étaient pas très-pénibles, mais elles ne laissaient pas d’être assez assujettissantes : le service se faisait par trimestre, et pendant les trois mois de service, les gardes ne pouvaient jamais s’absenter de la résidence du prince.

Dalayrac avait un noviciat à accomplir, il n’avait reçu aucune notion de l’état militaire, et il lui fallut tout apprendre depuis l’exercice du soldat jusqu’à