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charmer l’oreille. Puis, indépendamment de la partie mécanique, si essentielle à l’exécutant, travail qui exige tant de temps, de patience, et qui parle si peu à l’esprit, il y a la partie théorique, non moins sèche et non moins fastidieuse : c’est une accumulation de petites combinaisons arithmétiques, très-faciles à comprendre, mais très-difficiles à appliquer, par leurs subdivisions et la rapidité de leurs successions.

Ces réflexions, comme on le pense bien, ne vinrent pas un seul instant à l’esprit du jeune Dalayrac ; il ne pouvait s’imaginer qu’une chose aussi agréable que la musique fût beaucoup plus difficile à apprendre qu’une langue morte, et que l’étude du solfège fût plus ardue et plus ingrate que celle du rudiment. Une fois qu’il posséda à peu près les premiers éléments, qui n’exigent qu’un peu de calcul et de réflexion, il crut pouvoir marcher en avant. Grâce à ses dispositions naturelles, il parvint en fort peu de temps à jouer très-mal du violon ; mais cette médiocrité d’exécution lui paraissait encore une chose admirable, quand il la comparait au néant musical dans lequel il avait été plongé si longtemps.

Il existait à Muret, comme dans presque toutes les villes de province, une réunion d’amateurs, composant une espèce d’orchestre pour exécuter la seule musique instrumentale que l’on connût alors, c’est-à-dire quelques ouvertures et quelques airs à jouer et à danser des opéras de Lully et de Rameau. Jaloux de faire briller son talent nouvellement acquis, Nicolas demanda à faire partie de cette société, et il fut admis sur-le-