Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/272

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Rameau, dont Rousseau avait attaqué la théorie dans ses articles de l’Encyclopédie, avait fait une réponse à laquelle Rousseau riposta par l’Examen de deux principes avancés par M. Rameau.

Rousseau fut toujours très-injuste envers Rameau qu’il ne comprenait pas plus comme théoricien que comme compositeur. Il dit dans ses Confessions qu’après le départ des bouffons italiens, lorsqu’on réentendit le Devin du village, on remarqua qu’il n’existait dans sa musique nulle réminiscence d’aucune autre musique. Si l’on eût mis, ajoute-t-il, Mondonville et Rameau à pareille épreuve, ils n’en seraient sortis qu’en lambeaux.

Rien n’est plus faux et plus injuste. La musique de Rameau pèche souvent par la bizarrerie et le manque de naturel ; mais elle a une individualité très-marquée, et ne procède d’aucune autre. Rousseau était, du reste, trop mal organisé pour l’harmonie, dont il nie presque la puissance, pour comprendre la beauté de certains morceaux de Rameau. Il était, à coup sûr, insensible à cette magnifique ritournelle du chœur : Que tout gémisse, de Castor et Pollux, qui n’est autre chose qu’une gamme chromatique : mais la manière dont elle est présentée est un trait de génie. Encore moins dut-il comprendre le trio des parques d’Hyppolyte et Aricie, où l’emploi des transitions enharmoniques était si neuf et si puissant.

Dans la polémique qui s’éleva entre Rousseau et Rameau, il y eut plutôt malentendu sur les mots que sur les faits ; et il est assez difficile de se mettre au