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Rameau, le plus grand musicien de son époque, ne s’expliquerait guère : il serait presque aussi difficile de justifier la haine de Mme de la Popelinière contre un homme qu’elle avait commencé par accueillir chez elle. Rousseau prétend qu’il faut l’attribuer à sa qualité de Genevois, Mme de la Popelinière ayant voué une haine implacable à tous ses compatriotes, parce qu’un abbé Hubert, natif de Genève, avait autrefois voulu détourner son mari de l’épouser. Cette explication est grotesque, mais Rousseau la crut suffisante pour justifier son ingratitude accoutumée et sa manie de voir des ennemis chez tous ceux qui voulaient lui faire du bien.

Cependant, son discours, couronné par l’académie de Dijon, et quelques autres essais littéraires avaient eu un grand retentissement. Sa qualité de musicien littérateur le fit choisir pour écrire les articles de musique de l’Encyclopédie. C’est ce travail qu’il refondit ensuite pour faire son dictionnaire de musique.

C’est à l’issue de ce travail qu’il écrivit son charmant intermède du Devin du village. Il est très-présumable que les Muses galantes ne valaient rien : un opéra en trois actes, avec des personnages héroïques, exigeait une musique qu’il lui était matériellement impossible de faire. Mais dans cette pastorale du Devin du village, la naïveté des chants, la fraîcheur des motifs, la simplicité même à laquelle le condamnait son ignorance, et qui devenait un mérite en raison du sujet, la couleur bien sentie, la nouveauté du style, tout devait concourir à procurer à cet ouvrage