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vert, son auteur juge avec raison que ses élèves n’ont rien à profiter de ses leçons et il les quitte pour retourner aux Charmettes.

La maison de Mme de Warens se dérangeait de jour en jour ; l’ordre et l’économie n’étant pas ses vertus dominantes. Rousseau croit avoir trouvé un moyen de fortune pour elle et pour lui. Malgré toutes ses études et tous ses efforts, il n’avait pu parvenir à jamais lire couramment la musique. Il juge alors que ce n’est pas lui qui a tort de l’avoir mal apprise : il croit que c’est elle qui ne peut se laisser enseigner, et que ses caractères, pour lesquels sa mémoire et son esprit se montrent si rebelles, ne peuvent manquer d’être défectueux : il invente un système de notation, celui des chiffres substitués aux noms et aux figures des notes. Il n’y a que sept notes, il n’y aura que sept chiffres ; mais ces sept notes se multiplient à l’infini pour les octaves, les altérations. Rousseau se contente de ses sept chiffres en les barrant à droite ou à gauche, suivant que la note est dièze ou bémol, ou en les accompagnant de points placés au-dessus ou au-dessous, suivant que l’octave est supérieure ou inférieure à la gamme convenue comme point de départ. On ne peut nier que ce système n’ait quelque chose d’ingénieux et qu’il ne présente une grande apparence de simplicité. Au bout de six mois, Rousseau a établi toute sa théorie, il l’accompagne d’un mémoire explicatif et, toujours à l’aide de Mme de Warens, il part pour Paris où il va soumettre à l’Académie des sciences son projet, qu’il croit la base de sa fortune et le signal d’une grande révo-