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compagner dans sa fuite, la seconde lui aida à emporter sa caisse de musique, ce qui était le plus essentiel, puisque, sans ce qu’elle contenait, il n’y avait plus d’exécution musicale possible à la cathédrale.

Pour rendre la vengeance plus piquante, les deux fugitifs allèrent demander l’hospitalité au curé de Seyssel, qui était lui-même chanoine de Saint-Pierre. Le bruit de leur escapade n’était pas encore parvenu jusqu’à lui ; ils lui firent croire qu’ils allaient à Belley par ordre de l’archevêque, et le bon curé leur en facilita les moyens et se chargea même de faire parvenir la caisse de musique à Lyon, où ils avaient dit qu’ils se rendraient ensuite.

Une fois en terre de France, ils se croyaient à l’abri de toute poursuite. Aussi se proposaient-ils de mener joyeuse vie à Lyon, où le talent de Lemaître ne pouvait manquer de le faire bien accueillir. Ce malheureux était sujet à des attaques d’épilepsie. Un jour, dans une rue de Lyon, il ressent une atteinte de cette cruelle maladie ; tandis qu’il gît à terre, écumant et se tordant dans d’horribles convulsions, Rousseau, par une résolution qu’il n’entreprend du reste d’expliquer ni d’excuser, l’abandonne au milieu des étrangers accourus pour le secourir et prend la fuite, sans plus de souci de celui qui était à la fois son maître, son compagnon de voyage et son ami.

Ce que devint le pauvre Lemaître, nul ne l’a su. Sa caisse de musique fut saisie et renvoyée, sur leur réclamation, aux chanoines d’Annecy par les chanoines de Lyon. C’était le gagne-pain du maître de chapelle,