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qu’ils vont réciter devant un public qui les paie amplement en applaudissements de la légère fatigue qu’ils éprouvent ; sans compter les énormes appointements que le directeur est obligé de leur payer à la fin du mois. Cette opinion est loin d’être partagée par les personnes qui fréquentent l’intérieur des théâtres. Quelle vie plus remplie, plus laborieuse que celle du véritable artiste ! Que de privations il doit s’imposer, que d’études il doit faire, s’il veut atteindre un rang élevé dans son art, ou le conserver, s’il y est parvenu ! Quand vos yeux sont charmés des grâces séduisantes de cette ravissante bayadère qui, le sourire sur les lèvres, vous paraît exécuter avec tant d’aisance et de facilité ces pas gracieux qui arrachent vos applaudissements, certes, vous ne vous imaginez pas tout ce que lui a coûté et ce que lui coûte chaque jour de travail pour arriver à ce résultat. Et ne croyez pas que le but une fois atteint, il ne faille pas un travail incroyable pour s’y maintenir. Chaque fois que la déesse de la danse, que l’inimitable Taglioni doit paraître devant le public, dès le matin elle s’exerce comme ferait une commençante ; pendant des heures entières, elle pratique ces premiers éléments de la danse, qui doivent lui conserver sa souplesse et sa vigueur : puis, épuisée de fatigue, elle prend un peu de repos, et après un léger repas, elle paraît devant le public, qui se retire transporté d’admiration, lorsque l’artiste rentre chez elle exténuée, pour recommencer le lendemain matin ce travail qu’elle ne négligera pas un seul jour, tant qu’elle voudra conserver sa supériorité si marquée.