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quille, cette année il n’en sera pas de même, je t’assure.

Il en disait autant tous les ans, et cependant Louise fut tellement émue de ces marques de tendresse auxquelles elle n’était plus accoutumée, qu’elle sentit ses yeux se mouiller de larmes. Après avoir embrassé sa femme. Rameau salua respectueusement Mlle de Lombard, tendit la main à M. Marchand, et fit une inclination à M. Dumont le marguillier, à qui l’odeur du rôti donnait envie de sourire, et qui faisait une horrible grimace pour avoir l’air sévère ; puis, enfin, à M. Bazin qui lui rendit son salut en s’inclinant tout d’une pièce, comme aurait fait un des cierges de sa boutique. On se mit à table, et tout le commencement du repas fut très gai ; mais une certaine gêne se fit remarquer parmi les convives, quand vint le dessert. Rameau avait été si aimable pendant le dîner, son bon vin de Bourgogne qu’il appelait son compatriote, avait été prodigué de si bon cœur que pas un ne se sentait le courage de commencer les hostilités envers un hôte de si bonne humeur.

Mlle de Lombard qui avait promis d’attacher le grelot, tâchait de trouver un interprète de sa sainte indignation, et c’est sur M. Bazin qu’elle avait jeté son dévolu ; mais malgré les signes d’yeux qu’on lui faisait, M. Bazin qui avait mangé comme quatre, et qui pensait assez judicieusement que du moment qu’on se disputerait, on ne boirait plus, faisait semblant de ne rien entendre, et allait toujours son train. Mlle de Lombard eut alors recours au grand moyen de l’avertir