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grand musicien en France, à l’exception peut-être de Lalande, qui n’a guère travaillé que pour l’église. On ne joue déjà plus les opéras de Colasse. Que nous reste-t-il donc ? M. de Blamont, Mouret qu’ils ont surnommé le musicien des Grâces ; au moins celui-là a-t-il quelques idées. Mais Destouches, mais Campra !

Puis, saisi de fureur, il courait quelquefois à son clavecin, où il improvisait des heures entières. La fantaisie d’écrire ce qui lui passait par la tête, lui prenait-elle un instant, il y renonçait bien vite en se disant :

— À quoi bon faire cela ? qui pourrait l’exécuter, qui pourrait le comprendre ? Ils feraient comme il y a vingt ans à Avignon, un peu avant mon voyage d’Italie : ils méprisèrent mes premiers essais, parce que c’était au-dessus de leur portée ; et cependant il y a d’habiles musiciens en Italie ; ceux-là ont compris ma musique… Non, il me faut un théâtre, un orchestre, un public, pour avoir le mot de cette énigme. Je crois qu’on peut faire autrement que Lully, et faire bien encore. Oh ! j’y viendrai…

Puis il sortait pour prendre l’air, comme si l’atmosphère de sa chambre eût été trop lourde pour lui, et quand il rentrait le soir, il se couchait sans dire un seul mot à sa pauvre Louise, qui gémissait d’un chagrin qu’elle ne pouvait partager, et dont elle ne pouvait deviner la cause.

Une circonstance inattendue décida entièrement Rameau à s’adonner au théâtre. Il y avait un concours pour la place d’organiste à l’église de Saint-Paul. Ra-