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porte, qu’elle ouvrit précipitamment, et se trouva dans le cabinet du musicien. Le grand homme maigre était assis, enfoncé dans un large fauteuil, devant une table couverte de musique, et de papiers chargés de chiffres. Son travail l’absorbait tellement, qu’il ne s’apperçut pas de l’arrivée de Mlle de Lombard.

— Monsieur, lui dit-elle en entrant, voilà trente-six sols pour venir accorder mon épinette.

Pas de réponse.

— Mademoiselle, dit la jeune femme, vous voyez qu’il ne vous entend pas, si par malheur vous attirez son attention, il vous recevra fort mal.

La vieille demoiselle, sans tenir compte de l’avis, se mit alors à crier à tue-tête.

— Monsieur, voilà trente-six sols…

Cette fois le grand homme maigre releva la tête, il regarda fixement la vieille demoiselle qui, enchantée de son succès, continua alors d’une voix beaucoup plus douce.

— Pour venir accorder mon épinette.

Mais l’homme paraissait ne l’avoir pas comprise.

— Qu’est-ce donc, Louise, dit-il à sa femme, pourquoi me laissez-vous ainsi déranger ?

— Mon ami, répondit la jeune femme presque en balbutiant, ce n’est pas ma faute, c’est mademoiselle qui veut absolument que vous lui accordiez son épinette.

— Mademoiselle, vous êtes folle ; voici la seule réponse que je puisse vous faire.

À ces mots la vieille demoiselle ne se contint plus.