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ler donner ses leçons, rentrait exactement à l’heure de ses repas, car il soupait rarement en ville, et une fois rentré, on n’entendait jamais aucun bruit chez lui ; il se retirait dans un cabinet, où il écrivait fort assidûment, et bien rarement son clavecin ou son violon troublait le silence habituel de la maison. Les dévots même n’auraient en rien pu attaquer sa morale religieuse, car, en sa qualité d’organiste de l’église Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie, il était très-assidu à toutes les fêtes, et sa femme l’accompagnait toujours à l’église. Cette dernière, de vingt ans plus jeune que son mari, était d’une figure agréable, et son caractère paraissait extrêmement doux ; toujours occupée de quelque ouvrage d’aiguille quand elle était à la maison, elle ne sortait guère dans la semaine que pour faire ses provisions de ménage, ne se mêlant jamais des commérages de la maison, parlant peu aux personnes qu’elle rencontrait dans ses allées et venues, mais répondant toujours fort honnêtement à ceux qui l’interrogeaient, et accompagnant ses paroles d’un petit mouvement de tête et d’un sourire si doux, que ceux qui la quittaient étaient aussi satisfaits de ses laconiques réponses que si elle leur eût tenu les plus beaux discours du monde. Aussi malgré la sauvagerie du mari, et le préjugé peu favorable attaché alors à la profession de musicien, le couple était-il en grande vénération dans le quartier, et le marchand cirier qui occupait la boutique près de l’allée sombre qui donnait entrée à la maison, ne manquait-il jamais de retirer son bonnet fourré, lorsque le grand homme sec et sa petite femme