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— Parbleu ! ne le devinez-vous pas ? qui voulez-vous que ce soit, si ce n’est le trial ?

À ce mot, notre jeune homme fît un bond sur sa banquette et devint rouge comme une cerise, puis tout d’un coup pâle comme un linceul.

— J’espère qu’il a le physique de l’emploi, celui-là. Oh ! comme nous allons rire ! sera-t-il drôle dans Zozo, de la maison isolée ! et dans Aly, de Zémire, et Azor !

— Et dans le niais, de Camille ?

— Et dans le château de Montenero donc ! dans Longino ! Oh ! Longino ! parfait ! mais ce rôle-là a l’air d’avoir été fait pour lui. Longino ! oh ! c’est bien cela, il faudra qu’il débute par là ! ce nom lui convient parfaitement. Il sera admirable dans Longino !

Et les éclats de rire se succédaient, provoqués par l’espérance de le voir briller dans Longino.

— Allons-nous-en, Titine, je ne me sens pas bien, dit l’artiste en se levant, et il regagna tristement sa demeure assailli par les plus sombres pensées. Il avait la fièvre, sa tête était brûlante et il se coucha ; mais il ne put fermer l’œil.

— Ce sera donc ici comme à Paris, se disait-il. À l’Opéra, ils m’ont trouvé trop maigre, les héros grecs n’étaient pas si minces que moi, à ce qu’ils prétendaient. À Feydeau, ils m’ont trouvé trop grand, et cependant la première fois qu’ils m’ont entendu, quel accueil ne m’ont-ils pas fait !

— Bravo ! s’écriaient-ils, voilà une voix ravissante, vous êtes notre homme, il faut rester avec nous ; surtout, n’allez pas vous gâter en province, il faut seule-