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élancée : et comme il était fort maigre, il paraissait encore plus grand, il n’y avait eu à l’Opéra-Comique que Féréol qui fût à peu près de la même grandeur que lui, et il paraissait fort curieux de voir ses nouveaux camarades, espérant en rencontrer quelqu’un d’une taille au moins approchant de la sienne.

— Où diable ! se disait-il, mon père a-t-il eu l’idée de me bâtir ainsi ? Qu’est-ce que cela lui aurait fait de me donner deux ou trois pouces de moins ? C’est que c’est fort incommode dans ces petits théâtres ; on a la tête dans les frises et on touche le ciel avec ses cheveux. Au moins, ici, j’ai lieu d’espérer que je trouverai une salle de spectacle plus convenable que dans ces petites villes de la Suisse où les théâtres sont si mesquins. Allons ! prenons courage, je réussirai j’en suis sur ; n’est-ce pas, Titine, que j’aurai du succès ici ? L’enfant lui répondit par un de ces sourires d’ange qui rendent un père si heureux, et il puisa un nouvel espoir dans le baiser qu’il donna à sa fille. Cependant, après s’être assuré d’un logement, il se rendit au Café de la Comédie, espérant y rencontrer quelques nouveaux arrivés comme lui, et pressé de faire connaissance avec ceux qui allaient être ses camarades pendant une année. Il se mit devant une table, dans un coin du café, sa fille s’assit auprès de lui, ouvrant ses grands yeux pour examiner tous ceux qui l’entouraient, surprise de voir tant de nouvelles figures. Pendant qu’il lisait ou avait l’air de lire un journal, non loin d’eux, plusieurs jeunes gens étaient attablés et jouaient aux dominos. Il prêta l’oreille à leur causerie, désirant