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second théâtre de ce genre, et les talents ne manqueront plus. En province, au contraire, le public se montre très-difficile pour les débuts ; il faut que trois fois, et dans des rôles différents, un acteur réussisse pour être définitivement admis ; l’on conçoit de quel intérêt il est pour les habitués du théâtre de ne pas recevoir légèrement un acteur. Une fois les trois débuts terminés, et l’admission prononcée, en voilà pour un an : le public n’a plus le droit de se plaindre, l’acteur qu’il a accueilli doit forcément lui plaire, et il lui faut l’endurer jusqu’au renouvellement de l’année théâtrale. Aussi les débuts sont-ils un événement important,même dans les plus grandes villes : à cette époque de l’année, on ne parle que de cela dans les cafés, dans les réunions ; la politique, les commérages, les petites intrigues, tout est oublié ; les débuts, voilà la grande affaire, l’unique occupation des oisifs, et il n’en manque pas en province ; les partis se dessinent, l’un applaudit l’Elleviou ; la première chanteuse et la Dugazon ont aussi leurs partisans et leurs détracteurs. Le jour de l’ouverture du théâtre, le parterre se partage en deux camps ; on n’a pas encore entendu les artistes, et déjà il y a cabale pour ou contre eux : on ne les juge encore que sur leur physique, parce qu’on a été les examiner au café de la Comédie : leurs mises, leurs habitudes, leur conversation, tout a été un objet d’étude et a contribué à prévenir le jugement des habitués.

On voit quelquefois un acteur qui n’a pas le moindre talent, et que le parterre soutient toujours en dépit des