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tir que quelqu’un qui refusait de dire son nom demandait à lui parler.

— Je n’ai pas le temps, dit le musicien ; qu’il m’envoie dire qui il est pourtant, et nous verrons alors.

Un instant après on lui apporta un petit morceau de papier bien gras et bien sale, où étaient écrits ces trois mots : Un ancien ami.

— Eh bien ! dit Lully, répondez que je n’ai pas d’amis les jours de répétition générale, un autre jour…

Puis, il oublia tout à fait cet incident. Le lendemain, jour de la première représentation, comme il montait au théâtre, on lui remit encore un billet d’une tournure à peu près aussi élégante que celui de la veille et ainsi conçu : « Tu n’as pas voulu me voir hier, je t’attendrai ce soir à la fin de ton opéra ; » pas de signature et fort peu d’orthographe. À ce dernier signe, Lully crut un instant que ces mots lui étaient adressés par quelque grand seigneur, mais le papier chiffonné et mal plié où ils étaient tracés lui fit abandonner cette idée ; il roula la missive entre ses doigts, la jeta à terre et n’y pensa plus.

La salle commençait à se garnir, mais bien des vides s’y faisaient pourtant remarquer. Les places occupées ordinairement par les personnes de la cour restaient toutes vides. Les bons bourgeois venaient en foule, toutes les places inférieures et supérieures étaient envahies ; mais les derniers venus remportaient leur argent, quand on leur disait à la porte qu’il ne