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quand tout à coup au moment de commencer, on lui fit apercevoir dans la décoration un emblème qui pouvait sembler de mauvais augure au roi, et qu’il fallait faire disparaître sur-le-champ. Vous comprenez que, pour un opéra improvisé en huit jours on n’a pas le temps de faire des décors neufs ; on avait donc cherché ce qu’on avait de moins usé et de moins connu. Ainsi, pour le temple de la paix, on avait été prendre un temple de la sagesse qui n’avait pas servi depuis longtemps, mais sur le fronton duquel s’étalait malheureusement l’oiseau favori de Minerve, une énorme chouette. Il fallait au plus vite faire disparaître l’oiseau de mauvais augure, et le remplacer par un soleil, l’emblème de Louis XIV. Mais où trouver un peintre, quand tout était préparé, le décor mis en place, et le roi dans sa loge, trouvant que le spectacle était bien long à commencer ? Le pauvre Lully s’arrachait les cheveux, il courait partout sur le théâtre, demandant à grands cris un peintre, un décorateur, un badigeonneur. Rien ne venait qu’un officier des gardes qui lui avait déjà dit deux fois : « M. de Lully, le roi attend. » Enfin on trouva un peintre qui se mit à l’instant en besogne : il avait à peine commencé, que l’officier revient de nouveau à la charge :

M. de Lully, j’ai eu l’honneur de vous dire que le roi attendait.

— Eh ! ventrebleu ! repartit celui-ci, que voulez-vous que j’y fasse, moi ? Le roi peut bien attendre, il est le maître ici et personne n’a le droit de l’empêcher d’attendre tant qu’il voudra.